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La vie errante

La vie errante

Mes goûts et mes couleurs


Emmène-moi au bout du monde !... - Blaise Cendrars

Publié par Thierry L. sur 6 Mai 2023, 19:13pm

Catégories : #Lu

Pauvre Blaise ! J'ai relu ton ultime roman tiraillé entre admiration et consternation... Les années ne font rien à l'affaire.

Tirant parti des indiscrétions surie de ta Raymone, tu as imaginé les aventures rocambolesques d'une vieille théâtreuse cabotine et nymphomane.

Teresa Espinosa brûle ses dernières cartouches en transcendant par son seul talent la pièce médiocre du falot Guy de Montauriol. Roman à clefs -dont tu interdis, précaution aberrante, au lecteur de tourner les serrures- on y reconnait* une faramineuse Marguerite Moreno, un Louis Jouvet pisse-froid, un touchant Christian Bérard et quelques autres silhouettes d'une époque révolue. Pas vraiment nostalgique, l'on sent bien que tu règles de vieux comptes dérisoires : tes portraits-charges suintent d'une méchanceté inédite chez toi. 

L'ouverture du roman est d'une salacité confondante et indigne de toi. Tu patauges dans l'ignoble en décrivant les amours tarifées et sadomasochistes de ta comédienne décatie avec un légionnaire bas du front surnommé Vérole (tout est dit). Cette prose faisandée -venant du Blaise que je chéris- m'a navré.

D'autre part, ton récit part dans tous les sens. Que tu l'assaisonnes de péripéties policières (meurtre, enquête et interrogatoires), de rencontres piquantes (une Vénus phocomélique, un mercenaire reclus derrière ses paupières tatouées...) ou de dialogues survoltés, rien ne fonctionne vraiment : ta mécanique tourne à vide. Tu as beau multiplier les périodes alambiquées, les envolées lyriques et les sentences cendrarsiennes, peu me chaut !

Heureusement ton sens de l'anecdote, de l'étrange fascinant et du beau bizarre regimbe dans cette dégringolade et l'on retrouve ta faconde incomparable à de nombreux (mais trop rares) moments. Lorsque tes personnages revisitent leurs souvenirs, évoquent un épisode singulier ou partagent des confidences saugrenues, je retrouve le Cendrars qui me subjugue avec sa géniale fantaisie, méli-mélo de mensonges véridiques et de vérités illusoires.

Triste rejeton d'un écrivain vieillissant (cette gésine difficile te vaudra ta première attaque cérébrale), ton piteux avorton relève davantage, à mes yeux, de la tératologie que de ta poétique.

N'en parlons plus, divin rhapsode, et bourlinguons encore... encore... et encore.

* Appareil de notes providentiel de Marie-Paule Berranger

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