En hybridant leurs deux univers, les circassiens d'Akoreacro et ce génial trublion de Pierre Guillois ont donné naissance à un spectacle haut en couleur, panaché de l'ivresse exubérante d'un Emir Kusturica, de la folie cartoonesque d'un Tex Avery et de l'univers poético-absurde d'un Jacques Tati.
Acrobates, voltigeurs, jongleurs, équilibristes, musiciens, matassins et vaguement comédiens, le collectif d'artistes sait tout faire. Plongés dans les élucubrations d'un metteur en scène farfelu, cet octuor de fort-à-bras ainsi que leur unique égérie (l'aérienne Manon Rouillard) chahutent la vie de couple en quelques frénétiques tableaux : la rencontre, la routine, les disputes, les infidélités...
Pierre Guillois a encombré leurs numéros de ses marottes habituelles, la scène foisonne d'objets plus rétifs les uns que les autres - ce qui contraint à une mécanique rigoureuse et à des déplacements millimétrés-, de panneaux coulissants que les acrobates meuvent en une minutieuse chorégraphie et d'accessoires parasites qui entravent sauts et cabrioles (poussette d'enfant, téléphone portable, bouquet de fleurs ou talons aiguilles). Dans ce chaos très organisé, on ne sait qu'admirer le plus entre la perfection des exploits sportifs et la fluidité de l'ensemble !
Portés par un orphéon rigolard avec contrebasse, batterie, guitare, sifflet et réjouissantes ritournelles, les artistes nous entraînent dans leur folie douce. Cabaret manouche ou ballet forain leurs prouesses sidèrent, leurs morceaux de bravoure époustouflent. Mes quelques réserves (Pierre Guillois n'évitant pas toujours la caricature ni le mauvais goût) sont fétus de paille face à l'énergie enthousiasmante et solaire de la tribu Akoreacro.
Aux agrès comme au trapèze, aux portés comme à la voltige, le panache et la grâce !