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La vie errante

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Mes goûts et mes couleurs


Nicholas Nickleby - Charles Dickens

Publié par Thierry L. sur 28 Décembre 2021, 06:41am

Catégories : #Lu

Y a-t-il pire choix, pour une veuve et ses deux orphelins, que de confier leur destinée  aux projets turpides d'un Ralph Nickleby, oncle usurier dont le cœur racorni n'exsude plus que fiel ? C'est pourtant confiante que la sotte et impécunieuse Mrs Nickleby se rend à Londres pour prier son beau-frère de lui venir en aide : son entregent pourrait peut-être aider son fils Nicholas à trouver une situation et sa fille Kate un engagement. Las, l'ignoble pouacre n'aura d'autre but que d'éloigner définitivement le premier et de prostituer la seconde.

Ce très gros roman d'apprentissage, écrit à la petite semaine par un feuilletoniste pressuré -Dickens rédige alors 3 romans à la fois-, s'encombre trop souvent de péripéties oiseuses et de personnages superflus. Perdus dans la luxuriance du récit, ses héros apparaissent bien falots : Nicholas, jeune homme honnête aux fureurs justicières, manque de profondeur ; sa sœur subit passivement ses tourments et l'abominable Ralph peine à n'incarner autre chose qu'un type, celui de l'avare méchant homme.

Là où Dickens triomphe c'est lorsqu'il se fait journaliste ou portraitiste. Qu'il témoigne du dévoiement des institutions scolaires ou de la vie d'une troupe de baladins, son œil se fait perçant, sa voix accuse ou réhabilite et sa plume vibre de génie. Ainsi quand le candide Nicholas se retrouve adjoint à Dotheboys Hall, épouvantable école du Yorkshire, c'est l'occasion pour Dickens de dénoncer ces mouroirs à enfants, précurseurs d'un système concentrationnaire où règnent déshumanisation et sévices. A rebours, le regard du romancier se teintera d'aménité en dépeignant les us et coutumes de la troupe de comédiens ambulants du jovial Crummles : les répétitions chaotiques, les représentations périlleuses et les jalousies corporatistes...

Nicholas Nickleby regorge de seconds couteaux sensationnels et tout l'art de Dickens c'est de les rendre inoubliables. On pourra reprocher au romancier un certain manichéisme (les bons d'un côté, les méchants de l'autre) mais il parvient toujours à insuffler suffisamment d'humanité à ses personnages pour les rendre définitivement concrets. Il en est ainsi de la famille Squeers, tortionnaires et affameurs de père en fils, qui dirige d'une poigne de fer le collège de Dotheboys. Squeers, borgne pernicieux, et son horrible matrone, brillent au firmament des malfaisants sublimes ! 

Comment ne pas s'esclaffer devant les contorsions ridicules du couple Mantalini : elle, naïve rombière, proie de son aigrefin de mari ; lui, gigolo érotomane aux désirs somptuaires ? Ne pas s'attendrir face aux jumeaux Cheeryble, parangons de toutes les bontés ? Ne pas s'exaspérer aux discours confus de la si peu perspicace Mrs Nickleby ? Ne pas s'émouvoir à l'histoire du pauvre Smike, victime propitiatoire d'un siècle infanticide ?

Soufflant le chaud et le froid, le rire et les larmes, Dickens enchante autant qu'il épuise son lecteur. Pléthorique, son roman aurait gagné à être délardé mais le génie dickensien -comme le diable- étant dans les détails, on lui pardonnera ses excès pour le plaisir qu'il nous a donné.

Un plum-pudding ! Un peu de graisse de rognon, beaucoup de sucre, quelques surprises (fruits secs ou confits et épices), le tout arrosé d'alcool... Calorique mais délicieux !

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