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La vie errante

La vie errante

Mes goûts et mes couleurs


Un de Baumugnes - Jean Giono

Publié par Thierry L. sur 25 Janvier 2021, 05:37am

Catégories : #Lu

"Ne t'y fie pas. C'est pas exactement de la parole maintenant, c'est comme si je saignais. C'est comme d'un mauvais apostume que j'ai crevé du couteau et qui saigne du sang et du pus ; voilà ma parole de ce soir, voilà. C'est du mal qui s'en va."

Dans un décor de cartons peints, Giono, merveilleux santonnier, donne vie à une crèche profane et automnale et c'est un nouveau miracle de poésie.

Angèle (Temple Drake provençale), subornée par un barbeau de passage, s'en retourne au pays avec son petit bâtard. Ses parents, Clarius et Philomène, braves gens anéantis par le chagrin et l'opprobre, la séquestrent à la Douloire, la vieille ferme familiale. C'est Albin, ouvrier agricole épris de la jeune fille, qui découvrira avec l'aide du vieil Amédée cette rousse amande enclose en sa honte et la délivrera lors d'une nuit d'épiphanie. L'onomastique gionienne, ici, est lumineuse : de la blancheur, des anges, de l'amour, de la clarté, de la douleur aussi... Cette liberté recouvrée de haute lutte (le nourrisson se nomme Pancrace) s'achève sur un bouleversant avé Maria.

Point de dévotions cependant dans ce court roman -récit entièrement indirect- conté par un Amédée tout à la fois barde et contemplatif. Le style naturiste de l'attachant valet de ferme itinérant enchante par ses saillies imagées (parlant de la brave Philomène "Cette femme-là (...) c'était du beurre sur notre vie moisie") et ses églogues cristallines. A chaque page, Giono nous offre un tableautin renversant de beauté simple, qu'il évoque un pré, une source ou un clair de lune. Ses petits santons ne sont pas de plâtre peint, ils dégorgent de réalisme tout en camouflant de prodigieux secrets. Ainsi, Albin joue-t-il, en Orphée d'occasion, d'un harmonica magique qui supplée sa vergogne et chante soudain, dans la nuit étoilée, l'amour, la repentance et le pardon : Giono, sur le fil, garde l'équilibre et nous gratifie d'un inoubliable morceau de bravoure, au charme âpre.

Comme la Durance qui sort soudain de son lit, telle une furie échevelée, Un de Baumugnes déferle en nous avec ses flots d'humanité où la cruauté se mêle aux saveurs géorgiques et c'est un "bonheur fou". "Les choses de la terre, mon vieux, j'ai tant vécu avec elles, j'ai tant fait ma vie dans l'espace qu'elles laissaient, j'ai tant eu d'amis arbres, le vent s'est tant frotté contre moi que, quand j'ai de la peine, c'est à elles que je pense pour la consolation."

Giono, c'est du bien qui s'en vient.

 

 

 

"Elle disait avec tout son corps : «On est deux dans un, c'est toujours toi seul. Où tu veux, mais avec toi.» Le soleil montait.

"Elle disait avec tout son corps : «On est deux dans un, c'est toujours toi seul. Où tu veux, mais avec toi.» Le soleil montait.

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