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La vie errante

La vie errante

Mes goûts et mes couleurs


Indiana - George Sand

Publié par Thierry L. sur 1 Février 2020, 09:39am

Catégories : #Lu

Indiana, délicate fleur de l'île Bourbon préemptée par une ganache atrabilaire, l'austère Delmare, se flétrit lentement sous la cloche de verre de son globe de mariée. Veillent sur sa lente consomption provinciale, l'ami fidèle mais médiocre, Sir Ralph et la vibrante créole, sœur de lait et servante, Noun. Dans cette sinistre serre ouatée s'introduit un merle jaspineur, le très séduisant Raymon de Ramière (ah, les charmes de l'onomastique !)... On devine les conséquences de pareille intrusion.

Avec cette chronique d'une passion adultère entre un lis virginal et un oiseau beau parleur et intrigant, George Sand tente l'écrire vrai. Ses quenottes acérées, son esprit affûté dilacèrent une société où les femmes sont les immuables victimes d'une virilité autocratique, où leur mariage est vécu comme une peine capitale et où le moindre faux pas peut les entraîner dans une chute éternelle.

Point de prudes voiles de gaze ni de périphrases embarrassées dans le roman : on y désire, on y consomme et on y paie de lourds tributs. Les filles-mères se noient, les femmes infidèles sont bannies, c'est la loi des mâles ! Sand cherche la vérité au détriment des conventions et c'est rafraîchissant.

Les crayonnés psychologiques de ses personnages sont tout sauf académiques car jamais elle ne les enrobe d'un miel de convenance. La nullité de Ralph, la veulerie et l'inconsistance de Raymon, la brutalité stupide de Delmare ou la naïveté confondante d'Indiana sont soulignées sans ménagement mais avec une acuité remarquable.

Le portrait-charge acerbe de Raymon est, tout au long du roman, étourdissant de cruauté : chacun de ses gestes est dépiauté et ce Valmont au petit pied (lointain écho des Liaisons dans l'une de ses lettres "Ce n'est pas ma faute si je ne suis pas un dieu, (...)"), baudruche de l'éternel masculin, ne cesse d'être dégonflé par la grâce d'une plume vengeresse.

L'innocente Indiana ne sort pas indemne de cette histoire où, malmenée par les hommes, elle est dépeinte à l'occasion comme une sotte crédule nourrie de romans "à l'usage des femmes de chambre". L'auteure impartiale lui donne cependant l'occasion de se venger d'un amant phallocrate et manipulateur dans une missive dont la hauteur d'âme écrase de son excellence la petitesse du greluchon.

On regrettera que le roman s'éteigne dans une resucée de Paul et Virginie trop artificielle à mon goût. C'est beau mais un peu fade si on le rapporte aux charmes poivrés du reste.

Un premier essai transformé pour celle qui avait alors pris pour nom de plume la moitié du patronyme de son amant Jules Sandeau : de toute évidence, elle lui avait laissé l'eau et gardé le sang.

Un énorme coup de cœur et une invitation à découvrir ce plat aux saveurs mascarines (cumin, girofle, cardamome, gingembre et piment...)

Joana Vasconcelos, The Bride

Joana Vasconcelos, The Bride

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