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La vie errante

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Mes goûts et mes couleurs


La Rue sans nom - Marcel Aymé

Publié par Thierry L. sur 19 Août 2019, 15:31pm

Catégories : #Lu

"Il faut ouvrir. J'ai peur des portes quand elles ont quelqu'un derrière."

Que voici de la belle ouvrage ! Dans ce roman en noir et blanc, Marcel Aymé peaufine son écriture mêlant dialogues orduriers et fusées poétiques, voire surréalistes à la Prévert. Cette tragédie faubourienne, aussi triste qu'une goualante de Fréhel, relate les retrouvailles de deux anciens malfrats rangés des voitures et la déflagration causée par l'apparition, dans un quartier populaire, d'une fleur des îles, jeune femme que chaque mâle convoite. Entre Duvivier et Carné, on nage en plein réalisme poétique.

Les protagonistes travaillés au burin révèlent une matité, une opacité qui les rendent tout à la fois familiers et inaccessibles.

Peu magnanime, Aymé charge ses semblables : Minche, bistrotier bouffi de graisse et délateur patelin, Mânu, apprenti doulos et rejeton indigne, Johannieu, triste sinoque, obsédé jusqu'à la folie par sa voisine ou Méhoul, rongé par son passé de bagnard estampent intensément le récit.

Fatalistes, les matrones du roman acceptent les rossées de leurs légitimes aussi facilement que les pelotages de baratineurs d'occasion. La Méhoule, rombière décatie, regimbe par habitude mais finit toujours par endurer les injonctions de son homme quand La Jimbre, elle, écarte ses cuisses comme ses volets : dans l'espoir d'un jour meilleur. Au milieu du troupeau de ces femmes, bêtes de somme et de sommiers, la gracile Noa se détache comme une fleur sur du fumier : malgré six mois de boxon, elle resplendit d'une pureté quasi angélique, le vice ambiant glissant sur son plumage d'ange.

Et puis deux figures antagonistes dominent ce foyer d'infections : le terrible Finocle, reptile à sang froid, trempé dans l'acier dont la véritable identité résonne comme un sésame maudit (Ah, ce Serguemoine qui rejoint Moravagine ou Chéri-Bibi dans le panthéon des scélérats enténébrés) et le solaire Cruseo, rital inspiré, qui mord la vie et les femmes à belles dents.

Petit bijou pour happy few, La Rue sans nom est une pépite : elle brille d'un sombre éclat et son halo palpite durablement...

 

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