Dialogue prolixe entre Lui (Jean-François, neveu de...) et Moi (l'auteur), cette conversation à bâtons rompus entre un fou et un sage, un artiste et un philosophe, un loser debout et un bobo assis est souvent passionnante, constamment drôle mais par trop fréquemment hermétique. Un excellent appareil critique ne suffit pas à rendre les arcanes du texte aisés à décrypter pour le lecteur lambda. Diderot multiplie les connivences, les allusions et les clins d'œil au profit de ses seuls contemporains et de dix-huitièmistes avertis. Las, je suis resté imperméable à la querelle des Bouffons, aux diatribes contre les anti-philosophes et aux sous-entendus périmés sur les pipoles de l'époque.
Heureusement Lui, hâbleur impénitent, flambeur vibrionnant emporte la mise par son cynisme poilant et ses maximes à l'emporte-pièce. Comment résister à un joueur d'air-clavecin, sangsue revendiquée et stand-upper des Lumières ? Comment ne pas succomber à la séduction nonchalante de ce Vittorio Gassman d'opérette (j'ai beaucoup pensé à Il Sorpasso) quand Lui s'agite, pirouette, tournicote et comble le moindre silence par ses bavardages logorrhéiques ?
Difficile comme tous les Anapurna : j'étais fourbu, soulagé et heureux, une fois le sommet atteint !