Ranger - Pascal Rambert - Jacques Weber

Publié par Thierry L. sur 17 Mars 2024, 20:28pm

Catégories : #Applaudi

"Je ne suis rien sans toi."

Dans une chambre d'hôtel dépouillée jusqu'à l'abstraction, un homme vieillissant se penche sur son passé. Veuf inconsolé, il évoque sa vie : son unique amour, leur quotidien, leur intimité, leurs carrières, leurs voyages jusqu'à la séparation si brutale. Il appelle la mort, elle viendra sans tarder...

Le monologue n'est pas des plus subtils qui mêle à ces confessions touchantes, truismes et afféteries. Le dramaturge Pascal Rambert, décidément, ne me touche guère. Il y a quelques années, Clôture de l'amour m'avait déjà semblé jongler entre niaiserie et prétention. Ici encore, l'auteur a éprouvé le besoin de reverdir son sujet en y mêlant alcool et drogue, dénonciations politiques -usées- et propos gentiment lénifiants.

Heureusement son interprète et sa mise en scène frugale transcendent la platitude du texte. Jacques Weber, d'une sobriété remarquable, émeut tout au long de son soliloque. Sans effet, il dit le corps qui se dérobe, la mémoire qui s'encombre, les pleurs qui refusent de s'épandre. Même affaibli par une dyspnée invalidante, le comédien en impose. Massif et fragile à la fois, sa voix explore nos chagrins. Qu'il confie le bonheur de dormir aux côtés de l'aimée, susurre des mots d'amour à un ours en peluche ou, plantigrade pataud, esquisse une danse sur une chanson des Stranglers, il fascine par ce mélange subtil de charisme et de vulnérabilité qui émane de toute sa personne.

Télescopage magique : assis dans la pénombre, immobile mais cependant irradiant, dense et pourtant délicat, Jacques Weber écoute Aznavour chanter Hier encore. 2'25 d'une élégante émotion comme un sourire brouillé de larmes.

"Ô Mort, lui disait-il, que tu me sembles belle !
Viens vite, viens finir ma fortune cruelle."