Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

La vie errante

La vie errante

Mes goûts et mes couleurs


Les Enfants endormis - Anthony Passeron

Publié par Thierry L. sur 24 Septembre 2022, 10:26am

Catégories : #Dévoré

"Si s'aimer d'amour C'est mourir d'aimer Sont mourus d'amour Sida Sidannés"

En 1987, la longue dame brune s'écorchait la voix à déplorer la cohorte sans fin des réprouvés de l'amour. Cela paraît si loin et pourtant, à ce jour, cette maladie a assassiné plus de 40 millions de femmes et d'hommes et nous a meurtris sur plusieurs générations. Les premières victimes de cette infecte infection -pédés et drogués, bientôt rejoints par d'autres maudits, hémophiles ou africains subsahariens- ont eu à subir le mépris et la honte, l'isolement et l'abandon. Quelles traces ont-ils laissé dans notre mémoire intime ?

Dans son roman, gorgé d'émotion, Anthony Passeron sonde une mémoire familiale traumatisée par la survenue aussi soudaine que délétère du virus de l'immunodéficience humaine dans son clan. Au début des années 80, pour cette lignée de bouchers de l'arrière-pays niçois, le sida semblait sans doute exotique voire fantasmagorique. Mais le destin frappe aveuglément et lorsque l'un des fils de la tribu apprend sa séropositivité et déclare la maladie, une chape de silence s'abat sur les siens.

Sans pathos, ni effets de style, Passeron raconte sobrement une histoire où jeunesse et mort s'accouplent en une valse convulsive. Il alterne les souvenirs recomposés d'une famille détruite, entre déni et feinte indifférence avec la chronique de la maladie de son émergence à sa propagation, de sa prévention à ses inopérantes tentatives de jugulation*.

Cette bascule constante entre le particulier et le collectif donne tout son sens à ce troublant requiem. Pendant qu'un homme et les siens luttent pour gagner un peu de temps, de courageux pionniers s'escriment -en vain- à lui en offrir encore. Quant à l'épilogue, que l'on aborde démoli, il nous dit l'incommensurable douleur qu'engendrent les secrets les mieux tus.

Une parole fragile et précieuse.

"Des mouches. Des mouches de partout. Des mouches sur les morceaux de viande, sur les vitres. (...) Des mouches qui ont définitivement gagné."

* Le chapitre consacré au scandale de la ciclosporine préfigure celui de l'hydroxychloroquine : la bêtise peut, elle aussi, être virale.

In memoriam : Y. (07.93)

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article

Archives

Nous sommes sociaux !

Articles récents