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La vie errante

La vie errante

Mes goûts et mes couleurs


Et, dans le regard, la tristesse d'un paysage de nuit - Marguerite Duras - Lena Paugam

Publié par Thierry L. sur 10 Décembre 2016, 07:19am

Catégories : #Applaudi

Tentative d'adaptation théâtrale de La maladie de la mort, Marguerite Duras écrit Les yeux bleus, cheveux noirs en 1986 : elle y dépeint le désir impossible entre une femme écrivain, hétérosexuelle et un jeune homme homosexuel qui la paie quelques nuits pour apprendre à aimer. Il y a beaucoup d'elle et de Yann Andréa dans ce texte : la violence, l'alcool et la dépression, Trouville...

Ce texte intense et lancinant est un murmure, "plein de bruit et de fureur", la longue plainte d'un désir inassouvi, un lamento sur une union blanche.

Avec Duras, le sublime, forcément, côtoie le ridicule : Lena Paugam est tombée dans le piège. Le spectacle qu'elle a monté est terriblement démonstratif et prétentieux (à l'instar de son titre).

L'action se déroule au bord de la mer : les acteurs vont donc patauger dans un bassin d'eau -unique espace scénique-, s'y rouler, y chuter, s'y laver... C'est l'histoire d'un couple enfermé dans une chambre d'amour : deux draps -trempés, du coup- seront les seuls accessoires. On ajoutera quelques jeux de lumières intimistes ou féroces, quelques corps à corps chorégraphiés (?), un enregistrement du Casta Diva par La Callas, un chant élisabéthain, on proposera à la jeune comédienne (Fanny Sintès, souvent très bien) de se dévêtir et... RIEN, le vide, l'absence de grâce et beaucoup d'entre-soi.

Les comédiens parlent d'une voix blanche, dans le meilleur des cas (et on pense immédiatement à la catégorie "contemporaine" d'un spectacle d'impro), surjouent leur partition (Benjamin Wangermée passe de Duras à Molière ou Feydeau en quelques phrases) ou hurlent le texte (ce qui est un contresens complet, à mon avis, du texte durassien qui ne s'entend bien que chuchoté).

Marguerite vaut beaucoup mieux... "Elle est dans l'ombre, séparée de la lumière. Le lustre gainé de noir n'éclaire que l'endroit des corps. L'ombre du lustre fait les ombres différentes. Le bleu des yeux et le blanc des draps, le bleu du bandeau et la pâleur de la peau se sont couverts de l'ombre de la chambre, celle du vert des plantes du fond des mers. Elle est là, mélangée avec les couleurs, et l'ombre, toujours triste de quelque mal qu'elle ne sait pas. Née comme ça. Avec ce bleu dans les yeux. Cette beauté."

A noter : Dans La pute de la côte normande, Duras livrera les conditions d'écriture de Les yeux bleus, cheveux noirs ("Il me disait (Yann Andréa) : "Qu'est-ce que vous foutez à écrire tout le temps, toute la journée ? Vous êtes abandonnée par tous. Vous êtes folle, vous êtes la pute de la côte normande, une connarde, vous embarrassez")

 

Et, dans le regard, la tristesse d'un paysage de nuit - Marguerite Duras - Lena Paugam
Et, dans le regard, la tristesse d'un paysage de nuit - Marguerite Duras - Lena Paugam
"Elle demande : Vous n'avez jamais désiré une femme ? Vous dites que non, jamais. / Elle demande : pas une seule fois, pas un instant ? Vous dites que non, jamais / Elle dit : Jamais ? Jamais ? / Vous répétez : Jamais. / Elle sourit, elle dit : C'est curieux un mort."

"Elle demande : Vous n'avez jamais désiré une femme ? Vous dites que non, jamais. / Elle demande : pas une seule fois, pas un instant ? Vous dites que non, jamais / Elle dit : Jamais ? Jamais ? / Vous répétez : Jamais. / Elle sourit, elle dit : C'est curieux un mort."

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