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La vie errante

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Mes goûts et mes couleurs


Les Démons - Fédor Dostoïevski (d'après) - Sylvain Creuzevault

Publié par Thierry L. sur 6 Décembre 2018, 19:14pm

Catégories : #Applaudi

"L'homme est malheureux parce qu'il ne connaît pas son bonheur, uniquement pour cela. C'est tout, tout ! Celui qui saura qu'il est heureux le deviendra tout de suite, à l'instant même."

Avec Dostoïevski, je me trouve en terra incognita, mise à part une petite excursion il y a quelques années en compagnie du Prince Mychkine (L'Idiot). Aussi cette très longue pièce "librement inspirée" de l'énorme roman éponyme de l'écrivain russe dans une mise en scène du talentueux Creuzevault apparaissait-elle, sur le papier, très séduisante. Las, le dosage entre grotesque et sublime est ici totalement déséquilibré : tout y est boursouflé, hystérique, frénétique.

Dans un décor imposant et dépouillé tout à la fois, les comédiens, irréprochables au demeurant, hurlent leur texte, le crachent littéralement dans une véhémence aussi vaine qu'horripilante. Entre deux accès de fureur, de longues plages d'ennui comme celle où Stavroguine, le héros, confesse ses turpitudes à un moine, laissent les spectateurs pantois. Nicolas Bouchaud, Valérie Dréville ou Arthur Igual défendent avec cœur leurs personnages mais s'empêtrent dans leurs argumentations tortueuses.

Une immense croix orthodoxe en glace qui se liquéfie (un effet de mode ?), une poignée de spectateurs sur l'espace scénique, un accouchement en direct, des anachronismes benêts,... la liste est longue de ce qui dysfonctionne dans ce spectacle. Bien entendu, de stupéfiantes idées de mises en scène émaillent le pensum mais insuffisantes à donner corps au texte, salmigondis boursouflé de métaphysique absconse. Je ne sais si cette adaptation rend justice à l'immense écrivain russe mais les dialogues rendus davantage hermétiques par le débit mitraillette des comédiens m'ont semblé imbuvables. Les incandescences sont étouffées sous la cendre.

Heureusement quelques moments de grâce désaltérants ont parsemé la soirée : c'est toujours un plaisir de retrouver la fraîcheur de jeu de Léo-Antonin Lutinier (dont je suis décidément fan). Qu'il pratique un massage cardiaque à un pigeon ou qu'il sonne les cloches d'un monastère sans aucun dessous, ses apparitions jubilatoires ont illuminé une soirée bien sombre.

On déplorera d'autant plus ce semi-échec (ou cette semi-réussite, soyons magnanime) que la conjonction de tant de talents aurait dû magnifier ce qui restera au final un grand spectacle malade dont l'agonie m'aura paru interminable.

 

Les Démons - Fédor Dostoïevski (d'après) - Sylvain Creuzevault
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