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La vie errante

La vie errante

Mes goûts et mes couleurs


Barnaby Rudge, Roman sur les émeutes de 1780 - Charles Dickens

Publié par Thierry L. sur 4 Octobre 2023, 17:03pm

Catégories : #Lu

"Les narrateurs ont le privilège d'entrer où bon leur semble, d'aller et venir par les trous de serrure, de voler sur l'aile du vent, de surmonter dans leurs randonnées vagabondes tous les obstacles du temps, de lieu et de distance."

"Ally Looyer! Ally Looyer! Ally Looyer !"* me suis-je écrié comblé en reposant ce roman exaltant (le 7ème du corpus dickensien). En effet, on s'en goinfre bien plus qu'on ne le pignoche tant il est appétant.

Passe outre son sous-titre vaguement barbifiant, lecteur ombrageux, et je te promets des délices dignes de Capoue !

Vingt ans après un crime sordide, les différents protagonistes du fait divers -acteurs ou spectateurs-, se font rudoyer par l'Histoire : de sanglantes séditions anti-catholiques embrasent alors Londres et révèlent de funestes secrets...

Mélange de minutie historique et de fantaisie narrative, Barnaby Rudge -dans l’irréfutable traduction de Sylvère Monod- alterne moments d'effroi gothique et péripéties véristes, bluette sentimentale et épopée visionnaire, drolatique étude de mœurs et pamphlet politique, le tout avec une alacrité communicative et une connivence de chaque instant avec son lecteur ravi.

Les soulèvements d'hier ressemblent fâcheusement aux rébellions actuelles et la plongée journalistique de Dickens dans les « Gordon Riots » dénoncent des maux toujours brûlants : infox, complotisme, brutalité aveugle, bêtise grégaire, populisme et démagogie... (Selon sa sensibilité on pensera à tel ou tel phénomène récent). Les scènes de pillages et de déchainements incendiaires possèdent l'hyperréalisme d'un terrifiant reportage en direct. L'immense romancier en profite, bien avant Hugo, pour conspuer la peine de mort, les exploiteurs de misère et la pusillanimité des égoïstes. Il s'y montre également moins manichéen, plus nuancé qu'à son habitude, malgré un happy end paterne et consensuel.

Mais quelle puissance démiurgique pour créer des personnages inoubliables et à chaque fois inédits ! Parmi cette abondance de mémorables silhouettes, je ressens une forte inclination pour une poignée de sensationnels seconds couteaux : Miss Miggs, concupiscente pucelle dont l'acidité corrode les divagations ; Hughes, sauvageon à la violence animale ; Ned Dennis, bourreau scrupuleux mais pleutre turpide ou Martha Varden, matrone aux pâmoisons feintes.

Ses meilleurs répliques, Dickens les réserve à John Chester, grand seigneur méchant homme, autolâtre sans-cœur qui désavoue enfants et amis, le petit doigt en l'air et le sourire fielleux. J'ai adoré l'exécrer. Quant au personnage éponyme, simple d'esprit à l'imagination fertile, le romancier, décrivant avec réalisme ses troubles autistiques, donne à sa candeur une fraîcheur surnaturelle. Accompagné de son corbeau domestique, Grip, -que Dickens dépeint avec l'acuité d'un naturaliste-, cet innocent plane sur le généreux roman et ses affres à l'image d'un ange tutélaire.

Vive Barnaby Rudge -chef d'oeuvre enthousiasmant-  et que résonne encore longtemps le facétieux mantra du fidèle freux : "I'm a devil I'm a devil I'm a devil, Never say die Hurrah Bow wow wow, Polly put the kettle on we'll all have tea." !

*"Allez Luya !" en version française.

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