Premier roman d'ouvriers de la littérature française, La Ville noire nous conduit en Auvergne dans une petite ville singulièrement coupée en deux. Dans la partie haute, pastellée et fleurie, vivent les nantis alors que la basse ville, fuligineuse et infertile, enclave un peuple de besogneux prolétaires dépendants de l'industrie coutelière.
C'est dans ce cloaque noirâtre que le beau Sept-Epées s'éprend de la sage Tonine. Mais les ambitions et le désir de liberté du brave garçon s'accordent mal avec les mœurs inflexibles et les exigences de sa dulcinée. De tergiversations en sursis, l'amour finira-t-il par triompher ?
Dans ce marivaudage bistre, la Bonne Dame de Nohant chausse ses bésicles roses : observatrice redoutable quand elle dénonce le travail des enfants, les logements insalubres ou la paupérisation prolétarienne, elle noie cependant ses légitimes indignations sous le bouillon de mousseline d'une naïveté nigaude.
La morale de cette fable, charmante à lire au demeurant, est édifiante : point de vices, ni de turpitudes dans cette utopie ouvrière. L'aimable innocence et la doucereuse concorde qui règnent dans ce microcosme prolétarien déréalisent le roman. Langage châtié et vertus angéliques, les personnages semblent de purs esprits et l'autrice noie le vin de son catéchisme socialiste dans l'eau de rose de sentiments gnangnans.
Une satisfaction mitigée... pour une Sand émoussée.