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La vie errante

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Mes goûts et mes couleurs


Les Enfants du désastre (Tome 1) - Au revoir là-haut - Pierre Lemaître

Publié par Thierry L. sur 24 Avril 2023, 08:40am

Catégories : #Dévoré

Pierre Lemaître est un formidable conteur, émule des feuilletonistes du XIXe siècle. Au revoir là-haut, premier volume d'une trilogie qui évoque les trémulations du siècle dernier, remplit parfaitement sa mission : tenir en haleine le lecteur grâce à une imagination fantasque, à une écriture enjôleuse et à la chatoyante reconstitution d'une époque (ici, les années qui suivent la Grande Guerre).

Cette histoire de double spéculation éhontée, l'une sur les sépultures à destination de nos soldats tombés au champ d'honneur, l'autre sur l'érection de monuments aux morts dans toutes les communes de France, est d'un bout à l'autre jubilatoire. Dans cette débâcle morale, Lemaître a su créer des personnages invraisemblablement vraisemblables qui -même s'ils frisent la caricature- impressionnent durablement.

Dans la famille Péricourt, je demande le père, sa fille, son gendre et son fils. Boursouflé d'intransigeance et de principes, Marcel Péricourt -dont la morale est cependant élastique- voue un mépris considérable à son fils Édouard, artiste et donc, cela va sans dire, flamboyant inverti. Ce grand bourgeois monolithique, tout en granit, se fracture cependant à la mort supposée de son rejeton sur le champ de bataille.

Madeleine Péricourt, gentiment laide, a épousé Henri d'Aulnay-Pradelle. Cet aristocrate fin de race, arriviste et fornicateur -il faut préciser que le bellâtre a des arguments physiques !-, n'a marié cette godiche que pour son argent. En salaud parfait, le gougnafier s'emploie à piétiner tout un chacun pour se hisser toujours plus haut. Les Péricourt, père et gendre, doivent beaucoup aux carriéristes de Zola (Aristide Saccart par exemple) et, même s'ils sont prévisibles, Lemaître les dépeint avec une telle alacrité qu'on lui pardonne bien volontiers ces topiques de bonne guerre. Madeleine, quant à elle, se révèlera au fur et à mesure des développements de l'histoire, beaucoup moins gourde qu'on ne le pensait...

Édouard Péricourt, le fils, présumé disparu dans les boues meusiennes, a rejoint la cohorte des gueules cassées. Il camoufle dorénavant la béance qu'est devenue sa bouche sous des masques extravagants et cherche à prendre sa revanche sur le destin, la guerre et son père. Il a pour comparse Albert Maillard, pleutre magistral, sorte de Sganarelle timide à la solde de son compagnon de misère. C'est lui le véritable héros de l'ouvrage, avec ses peurs irraisonnées nées des boucheries guerrières, son asservissement aveugle à l'amitié et son âme tendrement pusillanime.

Pas vraiment roman historique (l'écrivain n'exhibe jamais -grâce lui soit rendue- des connaissances d'occasion), Au revoir là-haut, avec son héros populaire aux prises avec les soubresauts d'une époque se rapproche des aventures picaresques chères à un Sue ou un Dickens. Ajoutons enfin que Lemaître, soignant ses seconds couteaux, anime son roman de silhouettes mémorables qui poétisent le récit.

Haletant, palpitant, souvent surprenant... une belle mécanique au service du plaisir de la lecture.

 

Les Enfants du désastre (Tome 1) - Au revoir là-haut - Pierre Lemaître
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