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La vie errante

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Mes goûts et mes couleurs


Le Déjeuner des barricades - Pauline Dreyfus

Publié par Thierry L. sur 3 Septembre 2017, 07:36am

Catégories : #Dévoré

Hôtel Meurice, 22 mai 1968. Cependant que Rive Gauche, les manifestations étudiantes battent leur plein au quartier latin et autour de l’Assemblée nationale, dans l'atmosphère ouatée du Palace parisien se jouent bien d'autres drames...

D'abord le personnel, influencé par les grèves, les occupations d'usines et la "chienlit" générale, se déclare en autogestion : le directeur devenu négligeable, chacun -du concierge à la dame du vestiaire- gère la prestigieuse maison à sa convenance.

Ensuite c'est le jour choisi par la milliardaire grassouillette Florence Gould pour remettre un gros chèque au lauréat du Prix Roger Nimier, le jeune et inconnu Patrick Modiano. Un déjeuner doit être apprêté en faveur des convives de la mécène, du moins tous ceux qui accepteront de traverser Paris insurgé afin de s'y rendre car les défections se multiplient. Pour suppléer les pleutres ou les malades (voire les deux comme Chardonne), on convie au gueuleton Dali et sa Gala en villégiature au Meurice, J. Paul Getty, le milliardaire américain, un notaire de province en fin de vie, et quelques autres bouche-trous.

Enfin les problèmes d'intendance foisonnent : ascenseur inutilisable (les coupures d'électricité provoquées sont pléthores), félin fugueur, pékinois disparu, secrets d'alcôve à préserver...

Dans ce chamboule tout général, Pauline Dreyfus nous guide à travers bar et cuisines, suites et soupentes passant d'un personnage à l'autre, d'une époque à l'autre avec maestria. Ses personnages de fiction sont campés avec humour et tendresse tandis que les pipoles sont croqués avec une vachardise réjouissante.

Au milieu de cette parenthèse rétrospective, un fantôme transite, celui d'un écrivain en devenir, beau garçon timide. Fugace, le passage dans le roman de Patrick Modiano est une réussite : l'auteur se transforme en l'un de ses personnages, flou, insaisissable et mouvant. La confrontation entre Modiano qui a l'impression "d'avoir vécu avant d'être né et de porter les marques du Paris de l'Occupation" et les célébrités rances présentes au déjeuner (Gould, Morand, Jouhandeau, Aymé... au passé plus ou moins vert-de-grisé) est croquignolette. On regrettera d'autant plus l'inutile pirouette finale sur la famille Bruder que s'autorise Pauline Dreyfus.

Léger et plaisant.

 

 

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