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La vie errante

La vie errante

Mes goûts et mes couleurs


Zuckerman délivré [Zuckerman enchaîné - 2] - Philip Roth

Publié par Thierry L. sur 1 Mai 2022, 18:07pm

"Vous êtes notre Marcel Proust, Mr Zuckerman."

Réjouissante sotie, Zuckerman délivré confronte l'alter ego préféré de Roth à une notoriété soudain toxique. Carnovsky, son roman, est devenu un best-seller : les aventures masturbatoires de son héros éponyme se retrouvent au centre de toutes les attentions en ces sixties finissantes.

La célébrité, la publicité
Photographié(e) ou interviewé(e)
Mais quel effet cela vous fait?
chantait Moreau.

Le pauvre Nathan Zuckerman est tiré à hue et à dia : ses parents, sa famille, ses lecteurs courent à ses trousses en une farandole paranoïaque le sommant de se justifier voire de battre sa coulpe*. Alvin Pepler, archétype de l'admirateur sinoque et inquiétant, devient l'ennemi privé numéro un d'un Zuckerman horrifié qu'il traque et menace du pire (allant jusqu'à souiller le mouchoir du romancier : l'arroseur arrosé !). Impossible pour ses adorateurs comme pour ses contempteurs de dissocier le personnage du créateur. L'aigle de la renommée lui boulotte le foie.

Même si la célébrité ouvre bien des portes et des lèvres, elle transforme la vie somme toute insipide de l'écrivain en enfer. Son image se diffracte, sa personnalité implose et se dissocie : salaud antisémite, monstre lubrique, mari déloyal, fouteur compulsif, fils indigne... Il balle de droite à gauche, à la merci de chaque lecteur (autant de lecteurs, autant de lectures), de chaque écho journalistique, de chaque impression laissée et... de ses propres humeurs.

Le ton se fait plus grave quand Roth aborde la mort d'un père. Finalement les entraves morales les plus accablantes sont celles de la culpabilité paternelle : "Tu seras un homme selon ma loi mon fils !". Notre rire se fait jaunet : ne regimbe-t-on pas tous sous l'autorité patriarcale ?

"Ah me ! alas, pain, pain ever, for ever !" Zuckerman/Prométhée même combat. Roth souffle le chaud et le froid dans le deuxième volet de sa trilogie. Sous couvert d'un récit drôlatique et bouffon, il nous assène quelques douloureux coups de bâton. Masochistes, nous en redemandons.

*""Pour avoir montré les Juifs dans une ambiance de peep-show d'une perversion totale, pour avoir décrit les Juifs pratiquant l'adultère, l'exhibitionnisme, la masturbation, la sodomie, le fétichisme, la fornication", quelqu'un avait même suggéré, sur un papier à l'en-tête aussi impressionnant que celui du Président, que pour cela il "méritait une balle". Et au printemps de 1969, ce n'était pas une simple façon de parler."

 

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