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La vie errante

La vie errante

Mes goûts et mes couleurs


Uranus - Marcel Aymé

Publié par Thierry L. sur 17 Janvier 2023, 17:28pm

Catégories : #Lu

Blémont ! Blémont outragé ! Blémont brisé ! Blémont martyrisé ! mais Blémont libéré !

En 1946, la commune de Blémont, meurtrie par de furieux bombardements, panse ses blessures. Le lycée détruit, les professeurs donnent leurs cours dans les bistrots, les appartements encore debout sont partagés et, les camps enfin libérés, la petite ville attend avec impatience le retour de ses fils.

Dans ce champ de ruines, l'ingénieur prudemment maréchaliste Archambaud cohabite avec l'ouvrier communiste Gagneux et le contemplatif professeur Wattrin. Il planque également le collabo Loin, médiocre folliculaire dans une feuille de chou collaborationniste, désigné à la vindicte publique. Cet amalgame contre-nature se révèlera périlleux. Autour d'eux gravitent Léopold Lajeunesse, gargotier alcoolique et poète dont les accointances avec l'Occupant sont encore dans toutes les mémoires, l'ignoble Monglat qui dissimule sous les oripeaux de la neutralité l'avidité d'un sordide trafiquant ou le pleutre Rochard, Résistant de la dernière heure et mouchard professionnel.

Dans la nuit de l'Occupation, tous les chats étaient vert-de-grisés. Au grand jour de la Libération, les nuances sont manifestes. Les idéologies s'affrontent, les rancunes s'exacerbent et les règlements de compte partisans explosent.

Marcel Aymé, tout en sobriété, nous décrit l'effroyable pastis de la France d'Après-Guerre. Jamais manichéen, il fignole une flopée de personnages frileux qui ont subi plus qu'ils n'ont fait subir. Ce parti pris n'attiédit pas pour autant le roman qui, drôlatique, incisif et d'une froide cruauté, met en lumière de modestes crapoussins plutôt que de flamboyantes crapules.

"Rien n'est plus éloigné de moi que les sentiments forcenés de haine et d'idolâtrie, et cette modération, j'en souffre maintenant comme d'une infirmité."

Marie-Anne Archambaud -prometteuse jeune femme à la recherche de l'amour- résume, par ses atermoiements celui des Français durant l'occupation : être troussée par un sanguin et baraqué fils à papa, caressée par un homme marié intègre (?) ou adorée par un servile renégat...

Finalement on ne fait jamais que se comporter "comme une cellule saine dont la teneur en phosphore ou en calcium se modifie avec celle de l'organisme auquel elle appartient."

Alors... rêvons de libellules, d'éléphants ou d'Uranus comme Wattrin ou déclamons du Racine de comptoir comme cet hénaurme pochetron de Léopold... "Passez-moi Astyanax, on va filer en douce."

Un devoir d'Aymé !

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