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Pour transposer à notre époque le roman-somme de Victor Hugo, il faut oser en gommer les figures poétiques pour n'en perpétuer que le message humaniste, social et philosophique à l'instar de Ladj Ly, dans son film de 2019. Toute œuvre qui dénonce les oppressions et les injustices poursuit le combat d'Hugo.
En adaptant Les Misérables aux premières années de ce siècle, Lazare Herson-Macarel (dont j'avais apprécié le Galilée) et Chloé Bonifay tentent de moderniser le propos du roman tout en gardant intacts ses personnages. Leur échec est patent. Ils se montrent maladroits à actualiser personnages et péripéties (les émeutes de 1832 versus une occupation d'hôpital par du personnel de santé éreinté) et les grandes figures hugoliennes sont passées à la moulinette de ces réducteurs de têtes. Ils les transforment en chromos dégoulinant de pathos ou pire les vident de leur substance pour en faire de pathétiques guignols !
Qu'aujourd'hui encore Myriel offre un chandelier à Valjean, que Fantine vende ses dents, que la pauvre Cosette traîne un fût de bière (?) plutôt qu'un seau d'eau ou que Gavroche meure en évoquant Voltaire et Rousseau : rien ne fonctionne. Les figures qui nous émouvaient tant chez Hugo sont, telles quelles, inadaptées à notre époque.
Pour sa mise en scène, Herson-Macarel n'a pas su choisir entre une trahison réussie et une fidélité émaciée. Ses vignettes s'enchaînent mais sans émotion, ni véritable sens. Où sont les dénonciations d'Hugo dans cette lavasse ? Que cherche à nous dire la Compagnie de la jeunesse aimable ? Hommage à la culture populaire, cette bande-dessinée explicative ne décolle jamais.
Quant aux comédiens, ils semblent avoir été dirigés pour interpréter leurs personnages comme s'ils sortaient du merveilleux film de Raymond Bernard. Mais adopter ce jeu outré, hénaurme, jusqu’au-boutiste... demande une certaine forme de génie et surtout un écrin à la hauteur. La distribution, par trop hétérogène, dessert la pièce. Si Céline Chéenne et Abbes Zahmani lorgnent avec réussite sur Marguerite Moreno et Charles Dullin pour incarner leurs Thénardier improbables, si Claire Sermonne (Fantine et Cosette) joue les Florelle de service avec talent, pourquoi a contrario tant de sobriété chez le Valjean d'Eric Herson-Macarel ? Quant au Javert insipide de Philippe Canales ou au crispant et affété Gavroche de Matisse Humbert, mieux vaut les oublier...
Dans un décor urbain plutôt réussi, les changements de décors à vue -soient dans le noir, avec aveuglement du public par des rampes de projecteurs, soient dansés sur des rythmes électro- cassent la mécanique vériste de la mise en scène et apportent encore plus de confusion à cette tisane.
Une fausse bonne idée donc que cette adaptation, entre bande-dessinée simplette et digest indigeste, où la montagne Hugo accouche finalement d'une souris étique.
Inutile !