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"Les plus désespérés sont les chants les plus beaux, Et j'en sais d'immortels qui sont de purs sanglots."
Comment témoigner de la beauté de ce spectacle hors-norme ? En racontant à 5 voix qui se mêlent et se répondent en écho l'odyssée stellaire de la sonde Voyager, la destinée tragique du bluesman Blind Willie Johnson, l'enregistrement d'un baiser perdu ou la mort annoncée des abeilles, Emmanuel Meirieu nous bouleverse profondément.
Son texte d'une constante sobriété nous alerte sur la beauté fragile de notre Terre, nous rappelle nos exactions passées et nos excès présents et insuffle un peu d'espoir -peut-être ?- à notre monde en fin de parcours. Sans la moindre pose, sans affect, il donne la parole à ceux qui, d'habitude, ne l'ont pas : un enfant, un alcoolique, une femme vieillissante, un père inquiet, un homme noir. Sa mise en scène hiératique et discrète s'efface derrière ces paraboles apocalyptiques et ces monologues lumineux .
L'extraordinaire décor (un bois de pin et un rucher à cour et un cimetière devenu terrain vague à l'arrière d'une autoroute à jardin), le superbe travail à la lumière et l'enveloppe musicale tour à tour malicieuse ou poignante, sereine ou mélancolique transcendent ces récits de vies minuscules.
Et que dire de la distribution ? François Cotterelle et Stéphane Balmino, comparses habituels du génial metteur en scène (Les Naufragés), en apiculteurs héroïques -se battant l'un contre le temps, l'autre contre ses démons- nous murmurent un requiem déchirant. Patricia Pekmezian, en amoureuse cosmique, le merveilleux Jean-Erns Marie-Louise -qui m'a arraché des sanglots- et le troublant Nicolas Moumbounou, griot hanté par les douleurs du monde qu'il chante en d'obsédantes mélopées, complètent une affiche magnétique.
On ressort secoué d'un tel spectacle : on y pleure sur nos rêves fracassés, on sourit de nos naïvetés d'enfant, on déplore les humiliations passées... "Sombre était la nuit, froide était la terre" mais Voyager poursuit sa trajectoire vers, il faut l'espérer, un monde amendé.
"Vois comme le monde, le monde est beau."