"Foutez-moi le camp, salauds de pauvres (...)"
Dans sa cave, Marcel Aymé entrepose grands crus et piquette. Si l'on ouvre une bouteille au hasard, on peut tomber sur un nectar inoubliable comme sur une bibine aux relents de vinaigre.
Personnellement je rangerais dans la catégorie des tisanes la nouvelle éponyme dans laquelle un brave soiffard, à l'instar du Capitaine Haddock dans Le Crabe aux Pinces d'or, hallucine et se met à déboucher les passants comme de vulgaires bouteilles de picrate mais aussi le faible Dermuche et le navrant La Fosse aux péchés.
Avec La Bonne Peinture et Le Faux Policier, on est dans la catégorie Crus bourgeois : la première élucubre sur des productions picturales nutritives (au sortir de la guerre, le peintre Lafleur, grâce à ses toiles, rassasie une population carencée) tandis que la seconde erre en absurdie (l'habit fait-il le flic ?).
Enfin, on s'enivrera à lamper quelques Grands Crus classés. On plongera son nez avec délices dans le cynisme intégral de L'indifférent, le parcours d'un tueur sans affect et on goûtera les forts arômes de La grâce, où un brave homme tente, en vain, de se débarrasser d'une auréole bien encombrante.
Mais surtout on se délectera de La Traversée de Paris. Plus audacieuse que l'inoubliable film d'Autant-Lara, cette dive bouteille est une petite merveille. Un nez sans défaut, une attaque réjouissante, des tanins élaborés et une persistance en bouche inoubliable.
Marcel, tu remets une tournée ?