Les aérostats - Amélie Nothomb

Passacaille entra sur la pointe des pieds, une coupe de Deutz à la main.

- Tu as terminé le dernier Nothomb ? Comment était-ce ?

- Je ne suis pas certain de vouloir te le révéler. Ce fut un moment très court dans lequel elle n'a su se dispenser de ses indéfectibles obsessions.

- Elle y boit donc du champagne ? Elle multiplie jusqu'à l’écœurement les dialogues ? Elle abuse d'un lexique raffiné ? Elle parachève son roman rabougri par un bain de sang ?

- ...

- Réponds, Flagelle. J'aimerais tant connaître ton avis : il m'est précieux !

- Il est indubitable que tu as compris que ce minuscule opuscule est ridicule. Paresseuse, cette néantise m'a fait penser à un aérostat justement : plein de vide, léger donc, et obsolète. Pas vraiment nul mais certainement non avenu.

Là-dessus Passacaille se trancha la gorge avec mon marque-page en platine iridié. Dans le ciel passait un zeppelin...

Flagelle, ému, se souvenait de sa rencontre avec la romancière. Exquise, drolatique et attentionnée... il aurait tant aimé que son dernier ouvrage lui ressemblât.