Un certain Paul Darrigrand (Lecture) - Philippe Besson

Un auteur qui donne à entendre ses mots, c'est à la fois impudique et édifiant. Impudique parce que cette confrontation entre l'écrivain et son œuvre implique une mise à nu hardie, sans distance ni écran. Édifiant parce qu'une lecture personnelle est éminemment subjective et que la voix de l'artiste, unique, imprime leur vraie couleur à ses propres mots déclamés.

Ainsi Philippe Besson donne chair à son roman, Un certain Paul Darrigrand, avec modestie mais intensité : le débit est rapide, la fébrilité du texte palpable. Son roman -qui m'avait bouleversé- se bigarre dans son rendu oral d'un humour désespéré, d'une ironie mordicante et d'une naïveté émouvante que ma grille personnelle de lecture ne m'avait pas laissé entendre. Cette histoire d'amour juvénile se pare soudain de tonalités malicieuses ou affligées qui n'appartiennent qu'à celui qui l'a vécue. La diction du romancier, enlevée et parfaitement articulée, souligne l'urgence des amours printanières et l'épouvante d'une mort menaçante.

Le récit de Besson vibrionne, pirouette, sanglote et languit, ourlé par les magiques improvisations pianistiques d'Edouard Ferlet (qui fait corps/corde avec son instrument). Cette écholalie musicale discrète est la bande originale parfaite pour les images tressautantes d'une passion délavée par le temps.

Un moment suspendu. Un instant d'abandon.