Le Président, vieux fauve aux griffes émoussées, glisse lentement vers la mort. Sa maison normande est un tombeau et ses rares sorties le mènent vers de crayeuses falaises, funestes rampes de lancement. Étroitement surveillé par une silencieuse garde rapprochée (secrétaire, chauffeur, vigiles et médecins), l'ancien cacique est-il encore en capacité de nuire ?
Même s'il se barbouille de brouillard et de pluie (avec la tache rouge récurrente chez Simenon d'un chandail écarlate), ce roman crépusculaire mordore le déclin de son illustre homme d'état d'un style plus sucré qu'à l'habitude. En connivence avec son tigre édenté -Clemenceau l'a grandement inspiré-, l'auteur éternise chaque minute, louvoie entre les époques. Il ne se passe rien dans ces deux journées qui se traînent et pourtant toute une vie s'y rejoue.
Le lecteur d'aujourd'hui pense à de Gaulle en Irlande ou à Mitterrand au Champ-de-Mars en accompagnant les dernières heures du Président. Son masque mortuaire, ses forces qui se dérobent et ses rares souvenirs qui saillent forment une Vanité implacable.
Un héros à bout de souffle pour un roman haletant.
Un grand Simenon.