
Une table usée, une chaise de bureau, une lumière falote. La tension est palpable*.
Quand Christine Angot arrive, elle fixe longuement le public comme pour en découdre. Elle esquisse une grimace, darde des yeux noirs de bakélite vers le fond de la salle, installe son matériel : un verre, un calepin boursouflé, une fiche Bristol couverte d'écriture et un exemplaire supplicié de son dernier roman. La cérémonie peut commencer.
Il y a du chamane chez Angot. Quand elle lit (ou plutôt réécrit) son propre livre, elle prend une voix médiumnique (acier et soie), son corps entre en transe : mouvements désordonnés des bras, agitation des jambes sous la table...
L'auteur dessine des silhouettes dans l'espace, se prend la tête à deux mains, souffle, crie, pleure, querelle, chuchote, exulte... Sa lecture hallucinatoire déstabilise : ses personnages la possèdent littéralement. L'état second de l'écrivain au travail se rejoue, là, devant le public en un happening insolite.
Angot se fige soudain. Son petit museau de musaraigne se détend, sourit, s'enfuit. Ite, missa est !
Un moment singulier.
* La venue de Christine Angot au Festival des Émancipées a été controversée.