Plaisante soirée en ouverture de la saison 2018-2019 que ce Misanthrope donné par le Collectif Artistique dirigé par Rodolphe Dana. Les vers sonnent sans trébucher et la modernité du propos éclate à chaque scène : les rivalités de Cour font écho à celles de nos politiques pour lesquels basses flatteries et fielleuses indiscrétions sont de rigueur tandis que les portraits charges de la perfide Célimène évoquent le bashing qui se joue régulièrement sur nos réseaux sociaux...
C'est un bonheur d'applaudir la toujours convaincante Émilie Lafarge qui donne une Célimène faussement superficielle : on devine sous la poudre, maquillage de rigueur derrière lequel elle soustrait ses véritables sentiments, une jeune femme passionnée, perdue dans une société du paraître. Rodolphe Dana ne tient pas suffisamment son Alceste sur la longueur pour le rendre fascinant : son jeu bigarré hésite entre retenue pleine de morgue et bonhomie pateline (contresens évident) voire agitation hystérique. Histrion désopilant, Julien Chavrial croque un Oronte déjanté qui slame son sonnet avec une jubilation contagieuse cependant que le convaincant Philinte de Maxence Tual reste très sage (ce qui pourra étonner un spectateur habitué à l'applaudir dans les exubérances naturistes de ses collaborations avec Les Chiens de Navarre).
Certes, certains choix de mise en scène sont lourdingues (Célimène est-elle obligée de se recouvrir le visage de poudre blanche pour souligner sa dualité et Alceste le corps de cendres pour traduire son retrait du monde ? La belle trouvaille des petits Marquis au hammam semble gratuite...), l'Arsinoé de la pâlichonne Katja Hunsinger édulcore les scènes où elle paraît et les costumes sont dans l'ensemble hideux voire aberrants mais malgré ces massives scories qui l'émaillent, la pièce va bon train et l'on en sort satisfait de constater l'intemporalité de l'auteur et de son homme aux rubans verts.
Molière, Jeu, Set et Match...