
Copieuse nouvelle de Conrad, Typhon est un récit d'une grande simplicité : le capitaine MacWhirr et ses hommes traversent un cyclone tropical sur un vapeur plus tout jeune, le Nan-Shan. A son bord, deux cents Chinois ont été embarqués à fond de cale.
Tempête à l'extérieur, tempête à l'intérieur, le capitaine est de tous les fronts, lui qui, par manque complet d'imagination, ne s'est jamais figuré pris au piège de tels éléments déchaînés. Ayant évité de justesse un coulis de coolies (les Asiatiques, dans la panique, se révélant belliqueux), il parviendra à traverser le colossal coup de tabac in extremis.
La traduction d'André Gide est grandiose, elle rend à merveille les flots impétueux, les vents effrénés, les souffrances du navire et la peur des hommes. Ce qui est nouveau avec Typhon, c'est que Conrad s'y essaie à l'ironie et cela lui sied (même l'austère Dédé semble s'en délecter) : on a la singulière impression tout au long de cette épopée en Mer de Chine de sentir, après un déjeuner de coquillages, crisser entre ses dents des grains de sable. Une subtile désinvolture pour une réussite parfaite.