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La vie errante

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Mes goûts et mes couleurs


Les Misérables - Victor Hugo

Publié par Thierry L. sur 3 Avril 2018, 17:28pm

Catégories : #Lu

Les Français qui élisent "Les Misérables" à la deuxième place de leurs livres préférés (derrière La Bible) l'ont-ils seulement lu (Ont-ils seulement lu La Bible ?) ? Peut-être dans une version abrégée, un digest, un quelconque prêt-à-lire ? Comment expliquer, sinon, que ce roman colossal et si complexe fasse l'unanimité ?

Victor Hugo a créé, avec Les Misérables, une théogonie de la désolation : Valjean, Cosette, Fantine, Thénardier et les autres sont des types, des paradigmes poétiques. Ils n'ont pas d'existence réelle : cousus sur un contexte (une époque, un lieu, des idées), ils sont les pièces maîtresses d'un patchwork universaliste. Les scènes inoubliables se succèdent : le vol des chandeliers, le petit Savoyard, les dents de Fantine et la poupée de Cosette, la mort de Gavroche et le sauvetage de Marius... elles festonnent notre inconscient collectif et chamarrent le logos hugolien.

Car au-delà d'une histoire pour grands enfants, l’Évangile selon Victor est le récit circonstancié d'une âme qui prend son envol : la Passion de Jean Valjean, figure christique échappée du Retable d'Issenheim, est parabole. Chaque station du chemin de croix est dénonciation : la peine de mort, la prostitution, la violence faite aux enfants, les libertés confisquées au peuple, la faim, l'illettrisme, ... Ancré à gauche, le père Hugo nous livre son catéchisme : "(...) tant que les trois problèmes du siècle, la dégradation de l'homme par le prolétariat, la déchéance de la femme par la faim, l'atrophie de l'enfant par la nuit, ne seront pas résolus (...) des livres de la nature de celui-ci pourront ne pas être inutiles." et l'illustre par ses images pieuses (Fantine en Marie-Madeleine, Gavroche en larron, Javert en Judas etc.).

Cyclopéen le roman abonde en digressions historiques (Waterloo, Louis-Philippe, les égouts de Paris), sociologiques (l'argot, le bagne, les prostituées -Les Fleurs, pages écartées-) ou politiques (les barricades, révoltes et insurrections), grouille de références (sans appareil critique, impossible de lire confortablement le monstre) et foisonne d'apartés (les portraits complets de Monseigneur Myriel, du Père Mabeuf, d'Enjolras et ses camarades de l'ABC...). Lyrique, mystique, Les Misérables, œuvre somme, est un immense poème, épique souvent, élégiaque toujours ; quelques-uns des plus beaux vers d'Hugo y sont enclos comme autant d'insectes dans l'ambre : au lecteur de les y dénicher.

Le grand homme n'évite cependant ni la mièvrerie (Cosette, adulte, est une gourde) ni les péripéties approximatives (les carambolages entre Valjean et Javert ou les Thénardier sont si grossiers qu'on regimbe à leur lecture) mais il suffit d'un seau d'eau, d'un bois sombre du côté de Monfermeil et d'une enfant de cinq ans en haillons pour que les cœurs les plus endurcis se plaisent à saigner.

Inépuisable car toujours d"une actualité brûlante, ce titan de papier surplombe tout le XIXe siècle. "Ce livre est une montagne" écrivait Hugo, en atteindre le sommet nécessite du souffle et une bonne adaptation aux atmosphères éthérées. Et quel délicieux vertige de voir le monde de si haut !

Les Misérables - Victor Hugo
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