Amy Foster - Joseph Conrad

Une nouvelle à double titre passionnante : d'abord parce qu'elle fait étrangement écho à notre monde, ensuite parce qu'elle métaphorise les relations de Joseph Conrad avec son pays d'adoption, la Grande-Bretagne.

Rapporté par un médecin de campagne, le fiable Kennedy, Amy Foster nous livre le récit circonstancié de l'accueil réservé à un petit Polaque naufragé sur la côte du Kent. Les autochtones effrayés par sa mine, refroidis par son baragouin et méfiants face à son allant naturel ne l'accepteront jamais vraiment, même marié à une nigaude locale, l'Amy Foster du titre.

Teodor Józef Konrad Korzeniowski n'a-t-il pas connu les mêmes désillusions que le pauvre Yanko, se sentant incompris dans son pays d'adoption, malgré un anglais parfaitement maîtrisé (a very good command) ? Ses noces avec Albion, jamais vraiment consommées, ont même failli le tuer... 

Enfin ce miroir tendu à nos égoïsmes, à nos vies claquemurées et à nos peurs des autres traverse les siècles et n'a rien perdu de sa réflectivité : les migrants d'hier sont ceux d'aujourd'hui.

A noter le passage du titre initialement prévu A Husband (Un mari) à celui finalement retenu Amy Foster : on y devine le glissement d'un "Moi Józef Konrad, écrivain polonais de langue anglaise" ardemment revendiqué à un "Alas, proud England!" douloureusement éprouvé.