"Ça a débuté comme ça."
Un homme seul, quelques praticables et le grand voyage peut commencer.
Dans sa relecture des "incontournables" du XXe siècle littéraire, le Collectif Les Possédés, avant de nous proposer un tour du côté de chez Swann, s'était coltiné Céline. C'est donc un Ferdinand Bardamu candide et glissant petit à petit dans le désespoir le plus sombre que Rodolphe Dana campe ici avec subtilité. Jouant de son physique levantin, passant de l'esbroufe à la veulerie, le comédien endosse la défroque célinienne avec panache et s'acquitte brillamment d'un soliloque casse-gueule d'une heure trente.
Entouré de tables métalliques qui tour à tour se transmuent en tranchées dans les Flandres, en skyline new-yorkaise ou en sordides grabats d'hôpital, cette attendrissante incarnation de Bardamu traverse la guerre, l'Afrique des colonies, l'esclavage moderne des usines Ford avant de finir dans la salle commune d'un dispensaire de banlieue. J'aurais aimé que Rodolphe Dana s'aventurât dans des contrées plus sauvages et moins fréquentées du magnum opus de l'infââââme mais c'est tout à son honneur de se faire passeur littéraire, surtout avec humilité et talent. Il laisse toute la place au texte et à la prose frénétiquement poétique du Voyage.
Une soirée très réussie et qui provoque une furieuse envie d'aller traîner ses guêtres à Meudon !