Quelle mouche a piqué Philippe Besson ? Après tant d'autres, pris dans les rets du pouvoir, il quitterait la défroque de romancier du sensible pour enfiler la livrée d'hagiographe béat du Président ?
"De-ci de-là, cahin-caha, va trottine, va chemine, va petit âne, va de-ci de-là cahin
Méfions-nous des simplifications...
Ce "personnage de roman" est plutôt joliment ficelé, souvent drôle (l'écrivain ne nous a pas habitués à l'humour) et parvient à rester haletant en décrivant des faits déjà vécus et surabondamment commentés. Besson multiplie les précautions oratoires pour nous convaincre de sa parfaite objectivité mais on le sent ému par son grand homme, même s'il lui décoche quelques venimeuses sagettes : Macron décide seul, Macron n'a pas d'amis, etc.
Confronté aux brutalités politiques, Philippe Besson aiguise ses coutelas et tranche dans le vif, se métamorphosant en champion du couple présidentiel : Anne Sinclair est ainsi assassinée en quelques mots (et on ne la plaindra pas). Évoquant un article pondu par la dodue en mohair, on s'amuse à lire sous la plume vengeresse de notre homme-lige "Ce portrait au vitriol concentre le plus détestable : le désir de nuire (...), la fausse information (...), la misogynie (qui n'est pas l'apanage des hommes), le crédit apporté aux ragots. Il est vrai qu'avoir été l'épouse de M. Strauss-Kahn pendant plus de vingt ans vous qualifie pour donner des leçons d'élégance."
Un mystère demeure : quels sont les liens véritables qui unissent Emmanuel M. (comme le nomme Besson, durassien invétéré) et le romancier ? Ceux d'un modèle à son peintre ? d'une diva à son adulateur ? d'un écrivain avorté à un auteur reconnu ? d'un ami à un autre ? Les dialogues entre les deux hommes sont empreints de respect mais littéraires et construits, ils manquent étrangement de naturel.
Flirtant avec une neutralité bienvenue, évitant le piège d'une partialité fanatique, le dernier ouvrage de mon cher Philippe m'a amusé, intéressé, conquis ou exaspéré parfois mais ne m'a jamais laissé indifférent. Je n'y ai pas reconnu ma petite musique chérie même si, il faut le reconnaître, toutes les notes étaient présentes.
NB : D'autres titres, parmi la bibliographie du romancier, auraient pu convenir pour intituler cet opus... "Les jours fragiles", "Un instant d'abandon", "Un homme accidentel", "Vivre vite", "Arrête avec tes mensonges". Finalement on n'écrit toujours qu'un seul et même livre!