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La vie errante

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Mes goûts et mes couleurs


120 battements par minute - Robin Campillo

Publié par Thierry L. sur 26 Août 2017, 06:13am

Catégories : #Vu

"Ne me secouez pas. je suis plein de larmes."

Rythmée par le tempo de la house sur laquelle s'évadent les personnages du film (120 bpm), la fiction, proche du documentaire, de Campillo fait s'emballer les cœurs. Mêlant intimement lutte collective et engagement personnel, elle retrace les premières années d'Act Up-Paris et sidère par ce qu'elle dit du bouillonnement, de la chaleur, de la flamme de ses militants, pionniers dans un combat qui dure encore... (Aujourd'hui dans le monde, près de 38 millions de personnes vivent avec le sida)

A l'instar d'Harvey Milk (Gus Van Sant), Campillo, dans son film qui gifle les tièdes, invoque la nécessité de l'action et revendique le groupe comme force de frappe contre l'inertie prévalente. 

Passant constamment du chaud au froid, de moments de tension extrême à des plages d'accalmie salutaires, le réalisateur, poète fulgurant et réaliste, met à mal son public tendu comme une corde de violon que des sentiments dissonants font vibrer, alternant pizzicati, glissandi et autres vibratos. Le montage rudement méticuleux du film contribue d'autant plus à l'impression de flux et de reflux d'émotions fortement contrastées.

Dans ce cinéma du réel qui magnifie l'insurrection, les acteurs jouent leur partie comme si leur vie en dépendait (ce qui est le cas de presque l'ensemble des personnages). A sa façon éminemment touchante de mêler légèreté et gravité, Nahuel Pérez Biscayart, littéralement habité mais avec une élégante distance, aime, rit et pleure avec une ferveur stupéfiante. Sans pathos ni outrance, il déroule son chemin de croix de séropositif et de malade.

Arnaud Valois, dont la solidité apparente cache mal les fêlures, est, à travers le personnage de Nathan, le témoin capital de ces années en rose et noir. Sa séronégativité et la culpabilité qui va avec le conduisent à n'aimer que des morts en sursis. Son jeu, d'une sobriété rafraîchissante, s'accorde à merveille à celui fébrile de Biscayart.

Et puis, et puis l'ardeur d'Adèle Haenel -décidément excellente-, la finesse d'Antoine Reinartz, la douceur de Catherine Vinatier...

Au milieu du film, parenthèse bouleversante, le jeune Jérémie, mourant (Ariel Borenstein, lumineux), lit en voix off un texte sur la fin de la monarchie de Juillet, en 1848. Une poignée de Parisiens se soulèvent, forment des barricades dans Paris, font entendre leur colère légitime puis sont massacrés. Au-delà de l'allégorie, on notera que les événements de 1848 sont au centre du roman de Flaubert, qui résonne comme un sous-titre poignant du film, L'éducation sentimentale (...au temps du sida).

Magnifique.

 

120 battements par minute - Robin Campillo
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