Petite sœur de la Winnie d' "Oh les beaux jours" et de la Sarah Kane de 4.48 Psychose, Und attend elle aussi la mort. La pièce d'Howard Barker est austère, abrupte. Son héroïne en suspension guette l'arrivée d'un homme. Lequel ? On ne saurait s'avancer. Le texte âprement poétique multiplie les chausses-trappes, les fausses pistes et les impasses.
Und, c'est d'abord une silhouette, longiligne crevette rose, entre hiératisme et grotesque. Aristocrate et/ou juive, Und exécute pour nous une danse de l'extase et de l'horreur au bord d'un volcan : elle invoque les peurs de ce monde, la violence, la haine mais aussi la montée des extrémismes, le monde d'hier et ses holocaustes, le monde de demain et ses incertitudes.
Und c'est aussi une mise en scène d'une beauté radicale : une femme seule et au-dessus, accrochés aux cintres, des blocs de glace taillés pendent telles des lames de cristal, pendent comme autant d'épées de Damoclès. Ces blocs fondent, dégouttent bruyamment, s'effondrent dans une explosion de givre de façon aléatoire. Un musicien, Alexandre Meyer, accompagne l'héroïne : il fait pleurer, grincer, chanter ses instruments, c'est selon.
Und c'est enfin, c'est surtout Nathalie Dessay : une comédienne toute en maîtrise et contrôle, à la diction affûtée comme un scalpel, qui nous offre une performance saisissante. Dans cette passion vécue avec une intensité bouleversante, elle passe par tous les états : épouvantée, facétieuse, résignée ou révoltée. Inspirée, d'entrée de jeu, la Diva pulvérise nombre de ses consœurs et signe ici une prouesse inoubliable.
Pour moi, certainement la pièce -et l'interprétation- de l'année!