De but en blanc, Carrère nous l'assène : "(...) il y a eu un moment de ma vie où j'y ai cru." C'est ce qui l'autorise, pense-t-il, à remonter à la source et, à travers les textes fondateurs du christianisme (Actes des apôtres, Épîtres de Paul, Jacques et consorts et Évangiles), à nous apporter son éclairage sur cette histoire presque vieille comme le monde.
Sans ratiociner ni schématiser, l'écrivain qui porte avec superbe son prénom (en hébreu, Emmanuel signifie "Dieu est avec nous") détricote ces récits, les ripoline et nous les offre rendus comme neufs.
"Qu'est-ce que la vérité ?" Carrère n'est pas dogmatique (foin de toute doctrine chez lui!). C'est donc en toute humilité qu'il chausse les lunettes du chercheur, mais aussi celles du poète et du journaliste, et qu'il perquisitionne les récits de Paul, Luc, Marc et les autres. En chemin, il fait citer quelques témoins, et pas des moindres : Flavius Josèphe, Renan, Philip K. Dick...
Jamais condescendant, cet agnostique désormais convaincu nous embarque pour un voyage extraordinaire. Tout à la fois journal intime et enquête minutieuse, Le Royaume est un récit constamment passionnant ; il nous questionne, nous bouleverse, nous amuse (irrésistible épisode de Jamie Ottomanelli) et nous rend plus intelligents.
D'une honnêteté intellectuelle irréprochable, Carrère s'affranchit de toute barrière et se met souvent à nu (au propre comme au figuré) pour servir son propos. Son écriture est efficace : maîtrisée, elle ne sent jamais l'effort ni l’esbroufe.
Les portes du Royaume se referment sur ces mots : "Je ne sais pas."
Moi je sais que ce livre mérite d'être lu et relu : c'est ça la Bonne Nouvelle!